REACTION SUR LA NOTE DU BUREAU DU PROCUREUR RELATIVE À LA REACTIVATION DES ENQUETES DANS LA SITUATION EN RDC
La note du Bureau du Procureur de la Cour Pénale Internationale du 15 octobre 2024 marque une étape importante avec la réactivation des enquêtes sur les crimes présumés commis depuis janvier 2022 dans la province du Nord-Kivu, en République Démocratique du Congo. Cette décision répond à deux demandes formelles du gouvernement congolais(RDC) dont la plus récente date de mai 2023, visant à enquêter sur les violences perpétrées par divers groupes armés opérant sur son territoire avec l’appui des forces armées étrangères.
Le procureur a souligné que ces enquêtes s’inscrivent dans une continuité des schémas de violence dans la région, remontant aux conflits qui sévissent depuis au moins 2002. Cependant, au regard des circonstances entourant cette décision, il convient de s’interroger d’abord sur les avantages que pourrait en tirer la RDC ensuite si celle-ci répond aux attentes de la population victime de toutes sortes d’atrocité, et enfin, si une telle décision, prise à l’approche de l’Asssemblée des États-Parties, ne serait pas simplement un écran de fumée.
1. Avantages
Même s’il ne s’agit pas encore des poursuites proprement dites, la décision de réactiver les enquêtes par la CPI présente quelques avantages qu’on peut situer sur trois points ci-après:
Avantage lié au plaidoyer de la RDC contre le silence face aux crimes internationaux qui se commettent dans sa partie orientale, centrale et occidentale du pays. La RDC s’est lancée dans une diplomatie de dénonciation de l’agression de son territoire par des États voisins et à la suite de laquelle des crimes de droit international sont commis. Le nombre de morts, de déplacés internes et de blessés ne fait que s’accroître au jour le jour. Cette note du procureur est la preuve que la voix de la RDC est entendue et que la communauté internationale, à travers la CPI, brise peu à peu sa passivité si pas sa politique de deux poids deux mesures.
– Avantage lié à la dissuasion des personnes impliquées dans la commission des crimes internationaux. Les présumés auteurs des crimes qui se commettent dans l’Est de la RDC devraient être interpelés et traduits en justice afin que leurs crimes ne restent pas impunis. Cette interpellation devrait conduire les uns et les autres à la vigilance quant aux respects de règles du droit international humanitaire, des droits de l’homme et du droit international pénal.
– Avantage lié à la justice à rendre aux victimes. La note suscite de l’espoir pour les victimes que justice sera rendue et que les réparations seront accordées.
2. Les attentes du gouvernement congolais
La première attente du gouvernement congolais est de voir cette réactivation aboutir à l’ouverture des enquêtes préliminaires, à l’identification des présumés auteurs, à leurs arrestations et surtout à leurs poursuites et condamnations. Cela devra se faire sans entorse au principe de complémentarité entre les juridictions congolaises et la CPI. La deuxième attente, bien que complexe, est de voir les personnes de nationalité étrangère impliquées dans les crimes commis répondre de leurs actes étant donné que plusieurs rapports donnent des noms des personnalités étrangères soupçonnées des crimes internationaux commis au Congo.
3. Réactivation de la situation de la RDC par le Bureau du Procureur, un écran de fumée?
Il est encore tôt pour conclure que cette réactivation serait de la poudre aux yeux des autorités congolaises à l’approche de l’AEP. Les jours à venir vont certainement permettre une conclusion dans un sens ou dans un autre. Néanmoins, on se serait attendu à cette décision depuis longtemps car, le statut donne le pouvoir au Procureur d’agir de sa propre initiative.
4. L’Observation de la LIPADHOJ
La LIPADHOJ rappelle que dans son communiqué de presse du 02 juin 2023, elle avait exprimé sa grande satisfaction sur la tournée du Procureur de la Cour Pénale Internationale, Monsieur Karim Khan en République démocratique du Congo en juin 2023 ; laquelle tournée l’avait successivement conduit à Kinshasa, dans le Sud-Kivu et en Ituri. De cette tournée la LIPADHOJ avait retenu que le Procureur de la CPI attend imprimer une autre manière de travailler qui est notamment la coopération avec les autorités sur le renforcement des capacités de la justice congolaise ainsi que l’appui à la mise en place des chambres mixtes spécialisées; il avait en outre plaidé pour une justice transitionnelle en RDC.
Au regard de la portée criante de la commission des crimes graves en RD Congo, la LIPADHOJ note que la réactivation des enquêtes par le procureur Karim Khan, en priorité dans le Nord -Kivu, ne contribuera que très peu dans l’approche préventive, répressive ainsi que dissuasive des poursuites aussi longtemps que la Justice congolaise n’aura pas mis en place des chambres mixtes spécialisées et continué efficacement avec la Justice transitionnelle.
Eu égard à ce qui précède, LIPADHOJ exprime son attente de voir la coopération judiciaire entre le Bureau du Procureur de la CPI et la Gouvernement congolais être alignée sur les engagements réalistes et concrétisés par des mesures à court et moyen terme qui visent à résorber la problematique de l’impunité de violations graves du droit international pénal.
Fait à Kinshasa et à Bunia, le 22/10/2024
Pour le Comité Exécutif
Eloi URWODHI UCIBA
Coordonnateur
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